La France compte le record d’usagers de cannabis en Europe et applique une des politiques les plus strictes du vieux continent. Une incongruité qui ne manque pas d’interroger sachant que cette politique répressive ne semble pas porter ses fruits. La cour de cassation à décidé le 21 juin dernier de punir systématiquement les consommateurs de CBD sans distinctions avec ceux de THC. Une intolérance qui passe mal alors que la loi Evin ne cesse d’être diluée afin de permettre aux producteurs d’alcool de faire de nouveau de la publicité. Nous allons voir dans cet article les conséquences de cette décision pour les consommateurs de CBD puis nous nous demanderons pourquoi la France entretien une telle défiance à l’égard du cannabis et enfin nous nous pencherons sur les études scientifiques existant sur le sujet.
La décision du 21 juin 2023 et ses conséquences pour les consommateurs
La question qui nous est le plus souvent posée est la suivante : le CBD est un produit légal ayant une influence bien différente des produits récréatifs à base de THC alors pourquoi l’Etat ne défini pas un seuil de tolérance comme pour l’alcool ?
C’est certainement culturel mais l’alcool semble avoir un statut particulier par rapport au cannabis. Alors que l’alcool au volant bénéficie d’un seuil de tolérance d’environ 2 verres soit 0,5 g par litre de sang ou 0,25 mg par litre d’air expiré il n’en va pas de même pour le CBD. Aucune tolérance pour les consommateurs de CBD – produit pourtant légal si le taux maximal de THC n’excède 0,3% - qui sont mis dans le même panier que les consommateurs de cannabis récréatif dont le taux de THC - considéré comme un stupéfiant en France – peut avoisiner les 20%. La cour de cassation a décidé de ne pas tenir compte des niveaux de THC détectés, en gros si l’on retrouve une trace de THC même la plus infime cela conduira automatiquement à une condamnation. Même si vous consommez des produits légaux contenant moins de 0,3% de CBD vous pouvez alors être ennuyé.
Face à ce dilemme comment réagir en cas de contrôle ?
Il est d’abord important de toujours garder son calme et de rester courtois avec les forces de l’ordre. En règle générale le contrôle est déclenché suite à un accident de la route ou bien une ou plusieurs infractions. Mais le contrôle peut aussi avoir lieu sans raisons apparentes si le policier à des soupçons sur une consommation éventuelle de stupéfiants.
Il est important de comprendre qu’il est inutile de refuser un test salivaire car cela pourrait vous couter 2 ans de prison, 4500 euros d’amende, 6 points et certainement plus d’ennuis qu’en cas de contrôle positif car vous n’aurez à ce moment là plus aucun recours.
Les contrôles routiers sont la plupart du temps réalisés avec un test salivaire mais les tests sont aussi urinaires et sanguins. Il est d’ailleurs impératif de demander un test sanguin afin de mettre en évidence les niveaux précis de THC dans votre sang. Cela vous permettra de demander une contre-expertise pour pouvoir prouver que vous êtes uniquement consommateur de CBD. A partir de la notification de vos résultats vous avez 5 jours pour demander cette contre-expertise.
Enfin conservez bien les factures d’achat de vos produits CBD afin de pouvoir prouver que vous êtes uniquement consommateur de CBD. Si vous voyagez avec du CBD pensez à toujours le laisser dans son emballage d’origine.
Sachez que si vous êtes condamné vous devrez payer cette prise de sang, soit parfois plus de 300 euros, mais c’est votre seul recours si vous êtes consommateur de CBD ou si cela fait longtemps que vous n’avez pas consommé de THC.
Soyez très attentif durant le contrôle et de retour chez vous notez précisément le déroulé du contrôle ainsi que vos différents échanges avec les forces de l’ordre. Contactez le plus rapidement possible un avocat pour cela vous pouvez demander conseil à des organismes tels que l’UPCBD. Il est aussi possible que vos revenus ne vous permettent pas de faire appel à un avocat vous pouvez alors tenter de faire appel à l’aide juridictionnelle.
Comment éviter d’être testé positif lors d’un test salivaire ?
Un test salivaire positif dépendra de votre mode de consommation. Fumer du CBD est le mode de consommation le plus risqué mais la vaporisation et la prise sublinguale peuvent aussi être détectées si votre CBD est Full Spectrum c’est à dire si il contient l’ensemble des cannabinoïdes présents dans la plante dont le THC considéré comme un stupéfiant. L’idéal reste donc l’ingestion ou l’utilisation d’infusions dans ces cas précis le THC ne sera potentiellement détecté qu’en cas de test sanguin.
Cela dépend aussi de la régularité de votre consommation. Un fumeur régulier aura plus de chance d’être inquiété qu’une personne consommant des infusions de manière épisodique.
Le choix de vos produits a aussi des conséquences, privilégiez les fleurs et résines sans THC du type CBG, les isolats et les huiles à spectre large qui ne contiennent pas de THC.
Enfin votre sensibilité et votre physiologie entrent aussi en ligne de compte.
Maintenez surtout une bonne hygiène bucco dentaire, brossez vous régulièrement les dents, la langue, utilisez un bain de bouche notamment avant de prendre la route. Des sprays anti THC sont aussi en vente un peu partout. Vous pouvez de plus acheter des tests salivaires afin de vous tester pour savoir où vous en êtes avant de prendre la route pour un long trajet par exemple. Aux vues du faible dosage en THC des produits CBD celui-ci est susceptible de disparaître de votre salive au bout de 6 heures environ. N’hésitez pas à vous tester afin d’en avoir le cœur net.
Quoiqu’il arrive nous vous rappelons qu’il est préférable d’éviter de prendre le volant après avoir consommé du CBD car celui-ci peut provoquer des somnolences ou réduire vos reflexes.
Qu’en est-il des néo-cannabinoïdes comme le H4CBD et le THCP ?
Le H4CBD n’est pas détecté par les tests actuels, seule la fleur sur laquelle il est imprégné pourra vous rendre positif. En effet la plupart du temps le H4CBD est associé à des fleurs de CBD contenant 0,3% de THC ce qui peut vous rendre positif. Privilégiez du H4CBD imprégné sur des fleurs sans THC comme les fleurs de CBG. Notez que la proche parenté moléculaire entre le THC et le THCP/THCV peut augmenter les chances de résultats positifs aux tests salivaires. Seuls les tests sanguins vous permettront alors de prouver qu’il ne s’agit pas de THC.
Ne prenez pas de risques inutiles et évitez de prendre le volant après avoir consommé du CBD, H4CBD ou bien THCP. Préférez les transports en communs, faites vous raccompagner par une personne n’ayant pas consommé ou dormez sur place car nous tenons à vous rappeler que ces produits sont susceptibles de provoquer les somnolences, des défauts d’attention ou les troubles de la vision.
La décision du 21 juin 2023 est-elle irrémédiable?
La décision du 21 juin 2023 et le mode de contrôle qui en découle, met en difficulté toute une profession qui génère des revenus et créé des emplois dans le domaine commercial, agricole, scientifique etc… C’est aussi pénaliser des consommateurs à la recherche d’une amélioration de leur bien-être quotidien et voulant profiter librement des bienfaits du CBD.
L’urgence est donc de bien comprendre l’impact du CBD sur la conduite grâce au développement d’études scientifiques sur le sujet. Cela évitera de prendre des décisions arbitraires et de créer des sentiments de frustrations pour une partie de la population. Il faudra tenir compte par exemple du fait que le THC met plus de temps que l’alcool pour disparaître de nos organismes. Il peut encore être présent alors que ses effets ont disparu depuis longtemps… Autant de questions qui doivent être posées et d’éléments pris en compte afin de légiférer plus justement et d’éviter une nouvelle vague de retraits de permis avec toutes les difficultés que cela va comporter pour les forces de l’ordre, la justice et pour nos concitoyens avec des conséquences parfois désastreuses.
Quelles sont les études existantes sur la conduite et le CBD ?
- Une étude de 2018 publiée dans l'American Journal of Addiction a révélé que le CBD n'avait pas d'effets psychoactifs significatifs et n'altérait pas la performance cognitive ou motrice des sujets.
- Une revue systématique de 2019 dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) a analysé plusieurs études et a conclu que le CBD seul n'avait pas d'effets néfastes sur la conduite, bien que des interactions avec d'autres médicaments ou substances nécessitent une étude plus approfondie.
- Une méta-analyse de 2020 publiée dans Frontiers in Pharmacology a suggéré que les effets du CBD sur la conduite dépendent de multiples facteurs, tels que la dose, la fréquence d'utilisation et la sensibilité individuelle, et que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour clarifier ces effets.
- Une étude de 2021 publiée par l’université de Sydney et intitulée Driving Impairment Following Vaporization of Cannabis a eu pour objet de faire vaporiser à des patients des échantillons avec des niveaux de CBD et de THC variés puis de faire conduire sur route ou simulateur. Résultat des défauts de conduites observables sur des conducteurs ayant un taux d’alcoolémie de 0,05%, une altération des facultés transitoire d’environ 5 heures ce qui indique que la présence de THC dans le sang d’un conducteur n’est pas nécessairement un indicateur d’une conduite avec facultés affaiblies.
- Une autre étude réalisée en 2021 intitulée Impact of Smoking Cannabidiol (CBD)-Rich Marijuana on Driving Ability, a consisté à scinder un groupe d’une trentaine de patients en 2, un certain nombre ce sont vu administrer de l’herbe riche en CBD avec un taux de THC inférieur à 1% et l’autre partie du groupe un placebo. Ils ont ensuite passé des tests d’aptitude à la conduite et ont réalisé des exercices d’équilibre et de coordination. Conclusion pas d’impact notable sur le temps de réaction, pas d’altération des capacités psychomotrices.
La plupart des études encore trop rares à ce jour, ont indiqué que le CBD pris seul à des doses standard, ne semblait pas altérer significativement les capacités de conduite. Cependant, elles soulignent également la nécessité d'une exploration plus approfondie des interactions potentielles du CBD avec d'autres médicaments ou substances et notamment pour les produits Full Spectrum contenant très peu de THC. Elles ont aussi mis en relief l'importance de tenir compte de la sensibilité individuelle aux effets du CBD. Il est donc essentiel de poursuivre la recherche et d’approfondir les expérimentations sur le sujet en comparant notamment les résultats avec des substances bénéficiant de seuils de tolérance comme l’alcool ou certains médicaments.
Et ailleurs en Europe comment ça se passe ?
Une harmonisation de la politique européenne doit être envisagée, comme nous vous le rappelions lors de notre dernier article sur le sujet, les pays européens appliquent des politiques différentes en la matière. Il serait intéressant de comparer concrètement les résultats de ces politiques afin d’en tirer des conclusions.
Tour d’horizon des seuils admis et politiques de tolérance zéro en Europe :
- La France, l’Espagne ou l’Italie appliquent des politiques de tolérance zéro.
- Allemagne seuil de THC admissible 0,5ng/ml de sang
- Belgique seuil de THC admissible 1ng/ml de sang
- Suisse seuil de THC admissible 1,5ng/ml de sang
- Hollande seuil de THC admissible 3ng/ml de sang et 1ng/ml si mélange avec d’autres substances prohibées